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  • Photo du rédacteurHanaé BRADSHAW

#Cross-tech: Super-absorbants, protéger sans faille !

“Même mouillés, ils sont secs”, vous souvenez peut-être du célébrissime slogan, marquant le lancement des couches pour bébés Ultra Pampers dans les années 1980. Derrière ce slogan, se cachait l'arrivée de la technologie du ‘super absorbant’, un produit qui retient l’humidité à l'intérieur des couches, et qui bouleversa le marché des produits d'hygiène personnelle jetables jusqu’à s'exporter dans d'autres marchés, comme le packaging.



Le "super slurper", un monstre gluant tout droit sorti d'un laboratoire qui aspire et avale tout ce qu'il peut trouver sur son passage… enfin presque. Le “super slurper” était le nom donné par le biochimiste William M. Doane et son équipe du Département de l'agriculture des États-Unis (USDA), à un nouveau matériau qu'il venait de créer dans les années 1970. Ces derniers venaient de formuler non pas un monstre, mais une nouvelle résine fantastique ayant la capacité d'absorber et de retenir jusqu’à 500 fois son poids en liquide, même sous pression - contrairement aux autres matériaux traditionnels absorbants, tels que le papier de soie, le coton, l’éponge et la pulpe de peluche, qui ne pouvaient retenir que de 20 fois leur poids en eau !


La recette de cette résine absorbante magique : des molécules naturelles d’amidon, le polymère glucidique le plus abondant et biodégradable, sur lesquelles Doane et son équipe ont greffé de l’acrylonitrile, un polymère issu de la pétrochimie, connu pour produire des plastiques et de nombreuses fibres textiles synthétiques. L'acrylonitrile forme des ponts entre les molécules d'amidon, créant une structure tridimensionnelle en présence de liquide. Le liquide est finalement emprisonné dans les espaces du réseau moléculaire et le matériau forme un gel qui empêche au liquide de s’écouler.


Ce mariage moléculaire, illustré dans le brevet numéro US3935099A de 1974 déposé par le ministère Américain de l’agriculture, était à l’origine destiné à améliorer la conservation de l'eau dans les sols pour l’agriculture. Mais très rapidement, l’équipe de l’USDA se rendit compte du potentiel de ce nouveau matériau pour les produits d’hygiène absorbants du quotidien. La résine fut ainsi non pas commercialisée pour la première fois dans des applications d'amendement du sol comme prévu à l'origine, mais pour des serviettes hygiéniques féminines et les produits d'incontinence pour adultes. En Europe, c’est pour le bonheur des bébé et des parents que le super slurper a fait sa première apparition dans des couches pour bébés en 1982 ! Un matériau donc inoffensif, dénué de pugnacité, loin du monstre géant gobeur qu’aurait pu cacher son nom.



Depuis, l’USDA a donné le savoir-faire technique à plusieurs sociétés pour pousser le développement de cette technologie et ainsi tester une large gamme de combinaisons de copolymères différentes, pour de nombreuses autres applications. Une variante du premier SAP est le polyacrylate de sodium, aujourd'hui le plus largement utilisé et qui a d'ailleurs remplacé le SAP à base d'amidon et d'acrylonitrile dans les couches et les serviettes (malheureusement toujours susceptible de provoquer des réactions avec la peau et pas super environmental-friendly). C’est ainsi qu'aujourd'hui, nous retrouvons les SAP aussi bien dans les litières pour nos animaux domestiques, que sous forme de neige artificielle sur nos déco de Noël, ou encore dans,nos câbles électriques pour les protéger des incendies. Le matériau super absorbant est si populaire qu’il se retrouve aussi dans des challenges de youtubeurs ou tiktokeurs !



Pas toujours écologiques ces SAP vous pourrez penser. Cependant le super-slurper a aussi servi de pilier fondamental pour de nouveaux projets plus éco-responsables. Pour revenir au secteur de l'agriculture, les laboratoires agronome étudient ardemment de nouveaux SAP non-toxiques pour la conservation de l'humidité dans les sols arides pour limiter les besoins en irrigation et les pertes en eau (L. Chang, L. Xu, Y. Liu et D. Qiu (2021) : Superabsorbent polymers used for agricultural water retention, Polymer Testing, vol. 94; K. Supare et P. A. Mahanwar (2021) : Starch-derived superabsorbent polymers in agriculture applications: an overview, Polymer Bulletin, vol. 182).

Enfin, les premiers tests de modification de l'amidon par Doane ont permis à Uni-Star, alors dirigé par un certain Don L. Fisk, ancien agriculteur, de perfectionner en 1992 un matériau d'emballage dégradable : les fameuses "packing peanuts" ou "cacahuètes d'emballage" à partir d'amidon et ainsi remplacer les matériaux d'emballage en polystyrène traditionnels. Ces derniers, présentés dans le brevet numéro ​​US5208267A sont constitués de 95% d’amidon et seulement 5% de polymère synthétique. La recette et la chimie qui se cachent derrière les cacahuètes sont la même que celle des SAP amidon-acrylonitrile : une quantité de polymère synthétique (ici, c'est le polyéthylène glycol) est greffée sur les chaînes d'amidon pour former un réseau tridimensionnel qui réagit avec de l'eau et gonfle. Mais pour faire des cacahuètes d'emballage sèches, le mélange est enfin extrudé, c'est-à-dire amené à une température et à une pression suffisamment élevée à travers un petit orifice, permettant à l'eau de s'évaporer et ne laisser apparaître qu'un réseau solide poreux.


50 ans après la manipulation chimique de Doane et son équipe, nous nous étonnons toujours de l’impact de cette technologie sur plein de secteurs très divers. Une simple petite modification moléculaire ou l'ajout d'une étape physique dans le processus de fabrication, comme démontré avec le cas de la cacahuète d'emballage, suffit à modifier complètement les propriétés du matériau de base et l'ouvrir à d'autres champs d'applications jusqu'alors insoupçonnés. Le relais est maintenant donné à ceux qui pourront formuler des SAP ou leurs dérivés meilleurs pour l'environnement et pour notre santé !


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